Au cœur de la Gironde, le vignoble du Bordelais fait figure depuis plusieurs décennies, d’ambassadeur des vins français à travers le monde. Cette réputation ne date d’ailleurs pas d’hier, depuis les Romains et jusqu’au 18ème Siècle, les bordelais n’ont cessé de développer leur vignoble, et d’y construire les célèbres “Châteaux” qui pour certains d’entre eux datent de la fin du 16ème siècle.
Photographie du Château D'Yquem (Sauternes) construit en 1593
La réputation de ce vignoble s’appuie bien évidemment sur son histoire très ancienne qui lui a permis de se faire connaître du monde entier mais aussi par la qualité de son terroir et des ces vins. Il n’y a d’ailleurs pas un grand vin à Bordeaux, mais une multitude de grands vins qui présentent une très large diversité.
Les grands rouges de garde Médoc issus majoritairement du Cabernet Sauvignon, les vins blancs secs au charme unique de Pessac-Léognan, les rouges à la texture veloutée de Pomerol et Saint-Emilion, sans oublier les vins du Sauternais, qui figurent parmi les plus grands liquoreux du vignoble mondial.
Malgré la réputation aujourd’hui de l’ensemble du vignoble bordelais, une sous-région a été plus particulièrement mise en avant dès le 19ème siècle : la rive gauche de Bordeaux (l’ensemble du vignoble situé à l’Ouest de l’estuaire de la Gironde et de la Garonne) et plus précisément le Médoc et le Sauternais. Cette mise en valeur a été réalisée en 1855 avec la création de deux classifications visant à présenter les plus prestigieux vins rouges du Médoc, ainsi que les plus prestigieux vins liquoreux de Sauternes.
Histoire et Origine du Classement de 1855
A l’occasion de l’exposition universelle de 1855 à Paris, Napoléon III, déjà amateur des grands vins bordelais, demande à la Chambre de Commerce de Bordeaux d’établir un classement des meilleurs vins de la région, afin d’en montrer toute la splendeur. C’est alors les courtiers de Bordeaux, considérés à l’époque comme les plus grands connaisseurs de ces grands crus, qui sont chargés de classer les châteaux sur des critères de qualité et de notoriété mais avant tout en fonction du prix de vente de chacun des vins.
C’est ainsi que 57 Châteaux du Médoc sont classés du rang de premiers crus à celui de cinquièmes crus, et 21 de Sauternes et Barsac qui sont quant à eux classés sur 3 niveaux (1er Cru Supérieur, Premiers Crus et Seconds Crus). Vous l'aurez remarqué, aucune référence ici aux vins de la Rive Droite (Saint-Emilion, Pomerol) qui étaient à l’époque commercialisés par les courtiers de Libourne et non par ceux de Bordeaux, qui ont préféré ne pas les solliciter pour participer à leur classification.
Exception et Modifications
Ce classement exclusivement réservé au Médoc pour les rouges, comporte cependant une exception, le Château Haut-Brion. Cette propriété située dans les Graves, a été classée directement au rang de Premier Cru Classé, bénéficiant déjà à l’époque d’une notoriété internationale, similaire à ses célèbres voisins de Pauillac ou Margaux.
Bien que “gravée dans le marbre”, la classification a subi quelques changements entre 1855 et aujourd’hui.
Les premiers concernent le nombre de Crus Classés, qui a augmenté en raison notamment de la séparation de certaines propriétés, faisant passer le nombre de Crus du Médoc de 57 à 61, et celui du Sauternais de 21 à 27. On pourrait évoquer par exemple, la division du Château Léoville qui s’est transformé en 3 propriétés distinctes en 1880 : le Château Léoville Las Cases, le Château Léoville Poyferré et le Château Léoville Barton.
Outre ces séparations, le Classement de 1855 n’aura connu que 2 véritables modifications :
- La première a eu lieu durant la fin de l’Exposition Universelle, en septembre 1855 : le Château Cantemerle qui ne figurait pas dans le classement, est intégré parmi les cinquièmes crus classés, à la suite de la demande de la propriétaire de l’époque qui justifiait des prix de ventes similaires aux autres châteaux, mais ne passait pas par le négoce pour vendre son vin
- La deuxième qui est sûrement la plus importante arrive en 1973 : le Château Mouton Rothschild, classé second cru, est alors promu premier grand cru, après les demandes à répétition des propriétaires, qui seront finalement acceptées et signées par Jacques Chirac, Ministre de l’Agriculture à l’époque.
La Classification des Grands Crus Classés du Médoc
A l’exception du Château Haut-Brion, les autres Châteaux sont tous situés au sein des plus prestigieuses appellations du Médoc : 21 d’entre sont à Margaux qui est l’appellation la plus représentée, 18 à Pauillac (qui comporte 3 des 5 Premiers Crus), 11 à Saint-Julien, 5 à Saint-Estèphe, et enfin 5 autres en Haut-Médoc.
Premiers Crus |
Deuxièmes Crus |
Troisièmes Crus |
MAGAUX (Margaux) LAFITE ROTHSCHILD (Pauillac) LATOUR (Pauillac) MOUTON ROTHSCHILD (Pauillac) HAUT-BRION (Pessac-Léognan) |
RAUZAN-SÉGLA (Margaux) COS d'ESTOURNEL (St Estèphe) |
KIRWAN (Margaux) CALON-SÉGUR (St Estèphe) LA LAGUNE (Haut-Médoc) |
Quatrièmes Crus |
Cinquièmes Crus |
SAINT-PIERRE (St Julien) DUHART-MILON (Pauillac) POUGET (Margaux) LAFON-ROCHET (St Estèphe) |
PONTET-CANET (Pauillac) BELGRAVE (Haut-Médoc) COS LABORY (St Estèphe) |
La Classification des Grands Crus Classés de Sauternes et Barsac
En ce qui concerne la classification des blancs liquoreux, on retrouve 18 châteaux provenant de Sauternes et 9 de l’appellation voisine, Barsac. On notera tout de même une originalité pour ce classement, qui ne comporte qu’un seul vin au rang de Premier Cru Supérieur. Il s’agit du prestigieux Château d'Yquem, que les amateurs et critiques du monde entier n'hésitent pas à qualifier de “plus grand vin liquoreux au Monde”.
Premier Cru Supérieur |
Premiers Crus |
Seconds Crus |
YQUEM (Sauternes) |
LA TOUR BLANCHE (Sauternes) |
ARCHE (Sauternes) |
Pour n’importe quel amateur de vin, la lecture de ce classement et les noms de ces châteaux prestigieux laissent rêveur. Finalement 170 ans après, malgré certaines évolutions au sein de chacun des domaines, il continue d’influencer les achats de vins de Bordeaux autour de la planète. Même s'il est remis en question constamment par bon nombre de critiques spécialisés, ce classement a su garder une part de vérité sur les décisions prises à l’époque.
Cette classification de 1855, qui apparaît comme “figée dans le marbre”, suscite encore beaucoup d’émois. On la compare souvent avec les autres classements établis au cours du XXème siècle dans le reste du vignoble bordelais. On pourrait parler ici notamment du classement des vins de Saint-Émilion, qui est lui révisé tous les 10 ans, seul classement à être en perpétuelle évolution. Le débat ne semble pas engagé, mais pour laisser une chance aux domaines plus récents, le Classement de 1855 pourrait peut-être un jour se mettre plus au goût du jour et entamer une révision... à suivre !
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